Le propre et le sale

Georges Vigarello
Paru en 2013 chez Seuil

Encombrement des espaces, netteté de la peau, intimité
sensible, les critères anciens du propre et du sale ne sont
plus ceux d'aujourd'hui. Des faits apparemment identiques
ne déclenchent au fil du temps ni les mêmes appréciations
ni les mêmes réactions : la transpiration collant à la peau, le cheveu
supportant la vermine, l'odeur émanant des corps. La propreté de
nos pères, celle de l'Europe classique par exemple, n'est pas la nôtre :
elle peut exister sans le recours à l'eau, en favorisant quasi exclusivement
l'apparence extérieure, l'habit. L'histoire du propre et du
sale est ainsi celle d'un lent raffinement. Elle montre comment se
fabriquent les seuils du goût et du dégoût. Comment ils s'imposent,
comment ils changent, comment ils réveillent, dans leurs différences
avec les nôtres, la conscience de notre propre sensibilité.

Cette histoire est aussi davantage. Elle montre encore comment
s'enracinent, au plus près des repères corporels, des différences marquantes
entre les groupes sociaux. La dentelle blanche de l'aristocrate
du Grand Siècle n'a aucun rapport avec le chanvre écru du
laboureur. Non que cette différence soit celle de l'ustensile ou de
l'accessoire. Elle est d'abord celle du corps. Elle concerne ce qui
le constitue au plus profond, ce qu'il sent, ce qu'il respire, ce dans
quoi il est immergé. Elle révèle alors combien la distance sociale,
devenue abîme, tient au sentiment de ne pas avoir le même corps.

Cette histoire enfin plonge au coeur de la sensibilité culturelle.
Le propre et le sale orchestrent un ordre immédiat du monde,
colorent les contacts, les matières, les proximités. Avec leurs changements
temporels bascule, tout simplement, l'horizon des matérialités.

Exemplaires

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